Grünblatt
Elle est allée en prison pour avoir "favorisé l'évasion" de son mari
Dominique Herbreteau
A Lyon, le 15 mai 1944, deux miliciens sont venus arrêter Maurice Grünblatt.
Il avait été dénoncé par un voisin.
Son appartement se trouvait de l’autre côté d’une cour centrale, comme dans beaucoup d’immeubles typiques de Lyon de l’époque, ce qui permettait de communiquer par les greniers, sorte de «traboule» interne.
Une voisine et amie de Maurice et de Louise, sa femme, a vu les deux hommes monter les escaliers.
Elle imagina tout de suite qu’ils venaient pour Maurice.

Les traboules sont une spécificité lyonnaise..
Du temps des Canuts, ouvriers de la soie, elles permettaient de transporter les rouleaux de soie sans qu’ils ne soient ni salis, ni mouillés.
Elles sont des allées qui passent à travers les immeubles en évitant donc les rues.
Elles ont beaucoup aidé les résistants pendant la guerre.

En passant par les greniers pour ne pas être vue et aller plus vite qu’eux, elle se dépêcha de prévenir Louise qui était dans l’appartement avec Arlette, sa fille de 11 mois.

Comme la voisine, Louise fit le tour et eu le temps de prévenir Maurice pour qu’il puisse s’enfuir.
Ne trouvant pas Maurice dans son atelier, les deux hommes se rendirent à l'appartement où ils trouvèrent Louise qui était enceinte et sa fille Arlette.

Comprenant qu’ils avaient été bernés, ils se vengèrent sur Louise qu’ils frappèrent sauvagement avant de l’emmener avec eux ainsi que sa fille, Arlette.
Intervint alors une amie très chère de Louise, Myrthe, gaulliste de la première heure avec son mari André, qui était à ce moment-là la secrétaire d’un officier allemand (tout en faisant partie de la Résistance et très active dans le transport d’armes) et qui alla à la Croix-Rouge allemande faire un esclandre pour réclamer Arlette.
A cette époque, le père de Louise travaillait comme menuisier à la conception des décors de l’Opéra de Lyon.

Il récupéra Arlette et la confia à Paul Camerlo, futur directeur de l’Opéra de Lyon qui avait lui, l’autorisation de traverser la Saône en bateau, le soir, tard après les représentations. Il a sauvé
également beaucoup d’autres personnes de la même façon.
L’opéra de Lyon date de 1756, mais a été détruit en 1826, puis reconstruit en 1831.
En 1989, des travaux gigantesques durant 4 ans n’ont gardé que les façades, car trop vétuste, il ne correspondait plus aux normes modernes.
Inauguré en 1993, il y a maintenant 18 étages, dont 5 en sous-sol.
Arlette finit par arriver avec Myrthe, dans sa famille de Bourdeaux, dans la Drôme.
Louise a été emprisonnée pendant plus de trois mois dans des conditions terribles au Fort Montluc, dirigé par Klaus Barbie, de sinistre renommée. C’était le lieu de passage de tous ceux, soit qui y sont morts après avoir été torturés, comme Jean Moulin plus tard, soit fusillés sur place, ou partis dans les convois pour les camps de concentration, comme tous les enfants d’Izieu et les familles juives de Lyon et des alentours.

Louise sortira libre du Fort Montluc le 20 août 1944, juste avant la libération de Lyon, le 3 septembre.
Elle avait pu recevoir un colis de sa famille, avec un petit mot écrit par Maurice sur un bout de tissu caché dans l’ourlet d’un vêtement lui apprenant que sa fille avait été sauvée et était en sécurité dans sa famille de la Drôme.
Maurice était parti pour le maquis.
Louise gardera de son séjour à Montluc, entre autres soucis de santé, une mèche de cheveux blancs qu’elle n’avait pas trois mois avant.
Malgré tout, son fils Jean-Pierre est né au mois de janvier 1945, soit cinq mois après sa libération.